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  • Benoit Arvis

Annulation d’un retrait de responsabilités dans un contexte de harcèlement moral

Depuis la loi du 17 janvier 2002, il est inscrit dans le statut général des fonctionnaires qu’aucune mesure concernant, notamment, l'affectation et la mutation, ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération le fait qu'il ait subi ou refusé de subir des agissements de harcèlement moral ; ou qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; ou bien qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés.


Par une décision du 19 décembre 2019, le Conseil d’Etat a précisé que lorsqu'une mesure concernant l'affectation et la mutation est contestée devant le juge administratif par un agent public au motif qu'elle méconnaît l'article 6 quinquies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, il incombe d'abord au juge administratif d'apprécier si l'agent a subi ou refusé de subir des agissements de harcèlement moral, et s'il estime que tel est le cas, il lui appartient, dans un second temps, d'apprécier si l'administration justifie n'avoir pu prendre, pour préserver l'intérêt du service ou celui de l'agent, aucune autre mesure, notamment à l'égard des auteurs du harcèlement moral.


Une récente décision du Conseil d’Etat (8 mars 2023) a précisé que lorsqu’un agent fait valoir devant le juge administratif qu’une mesure concernant l’affectation et la mutation doit être retenue parmi des agissements répétés et excédant les limites de l’exercice normal du pouvoir hiérarchique qui ont eu pour effet d’altérer la santé, comme faisant partie des éléments caractérisant un harcèlement moral à son encontre, il appartient au juge de rechercher si la décision contestée a porté atteinte au droit du fonctionnaire de ne pas être soumis à un harcèlement moral, que l’intéressée tient de son statut, ce qui exclurait de la regarder comme une mesure d’ordre intérieur insusceptible de recours.


Le cabinet a saisi la Cour administrative d’appel de Bordeaux du cas d’une maîtresse de conférences d’université, à laquelle ont été retirés plusieurs enseignements qu’elle réalisait dans un master, pour lui confier à la place un cours qu’elle n’avait pas demandé. En première instance, le tribunal administratif a rejeté sa requête dirigée contre la décision de retrait d’enseignement, estimant qu’il s’agissait d’une mesure d’ordre intérieur insusceptible de recours contentieux.


La Cour administrative d’appel, admettant que la requérante apporte des éléments de fait suffisants pour démontrer que la décision de lui retirer les enseignements fait partie des agissements caractérisant un harcèlement moral à son encontre, a annulé l’ordonnance d’irrecevabilité prise par le tribunal administratif.


Evoquant ensuite l’affaire au fond, la Cour a relevé que la décision de retrait d’enseignement caractérise un agissement constitutif de harcèlement moral au sens de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 qui s'inscrit dans le contexte de harcèlement moral subi par la requérante depuis plusieurs années, et que l’université ne produit aucun élément de nature à démontrer qu'aucune autre mesure ne pouvait être prise pour préserver l'intérêt du service ou celui de l'agent. Par suite, la décision méconnaît les dispositions de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 et la maîtresse de conférences est fondée à en demander l'annulation.

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